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Les Mains Ouvertes, l'Âme Vidée

19 avr. 2025

Dans le silence de cette reconnaissance amère, je contemple l'abîme qui sépare ma générosité offerte des mains avides qui s'en saisissent. Ma bonté, cette étoffe précieuse tissée de fibres d'authenticité, se déchire sous les assauts répétés des opportunistes qui, tels des corbeaux affamés, ne discernent en moi qu'un champ fertile à exploiter.

La bienveillance — ce fardeau lumineux que je porte — devient progressivement une chaîne qui m'attache aux attentes insatiables des autres. Chaque geste altruiste creuse davantage le sillon de ma propre disparition. Est-ce là le paradoxe ultime de la bonté? Qu'en voulant exister pour l'autre, je consens à ma propre dissolution?

Je me souviens encore de cette voix intérieure qui murmurait: "Donne, mais ne te laisse pas vider; aime, mais ne te laisse pas consumer." Pourtant, dans l'obscurité de mes nuits blanches, cette même voix s'est tue, remplacée par l'écho assourdissant des sollicitations constantes, des "juste cette fois encore" et des "personne d'autre ne peut m'aider."

La frontière entre la générosité et l'auto-sacrifice s'estompe comme une ligne tracée sur le sable à marée montante. Qui suis-je devenu dans ce processus d'érosion continue? Un réceptacle vide de substance propre, rempli uniquement des désirs et des besoins des autres?

Ma gentillesse — cette qualité que l'on m'a toujours vantée comme une vertu — se transforme en une plaie béante par laquelle s'écoule lentement ma vitalité, goutte à goutte, jusqu'à l'assèchement complet. Les visages qui m'entourent, jadis aimés et respectés, se métamorphosent en masques inquiétants, porteurs d'une faim jamais assouvie.

Dans cet étrange théâtre où ma bonté devient le décor d'un drame que je n'ai pas écrit, je me demande parfois: ai-je consenti à ce rôle, ou me l'a-t-on imposé à mon insu? La frontière entre le don volontaire et l'extraction forcée s'estompe dans la brume de ma propre confusion.

"Tu es si bon," me dit-on souvent, mais ce compliment résonne désormais comme une sentence, l'annonce d'une nouvelle saignée à venir. Car la bonté, lorsqu'elle devient prévisible, n'est plus qu'une ressource à exploiter dans l'économie froide des relations humaines.

Peut-être est-il temps de redessiner les contours de cette bonté, de la transformer non plus en offrande perpétuelle mais en présence authentique, capable à la fois de donner et de recevoir, de s'ouvrir et de se préserver.